Avez-vous dit rationnel ?

Ce texte est la suite de l’article suivant : Un défi d’abstraction

(Il a été rédigé automatiquement, c’est-à-dire que j’écris compulsivement l’idée jusqu’à l’épuisement initial. Je n’ai pas souhaité en retirer certaines lourdeurs. Vous m’excuserez par avance. C’est l’écriture automatique qui veut cela !)

Avez-vous dit rationnel ? On considère la pensée rationnelle comme un présupposé à l’intelligence. Elle va de soi et écarte tout ce qui y contreviendrait. On l’oppose à la pensée irrationnelle, mais peut-on « rationnellement » conserver cette opposition quand on s’attarde aux arrières-monde de l’esprit ? Ayant navigué dans les méandres, les remous et les abîmes de la pensée abstraite, sans l’opposer, considérant qu’elle puisse s’allier à la pensée rationnelle comme sa contrepartie, approfondissons cette perspective afin de la qualifier ou de la rejeter, comme la tradition l’exige, au-delà de la falaise afin de la sacrifié jeune née.

La pensée rationnelle s’appuie sur l’expérience. L’expérience sensorielle, l’expérience mesurable du thermomètre au télescope en passant par l’accélérateur de particules. Les outils ne font qu’accentuer se performances. La pensée abstraite ne se mesure pas aussi bien. Elle est une pensée dont le caractère mesurable n’est pas encore advenu. Que peut vouloir dire une telle affirmation sibylline ? En fait, lorsque j’imagine des vacances à venir, je fais preuve d’abstraction. J’imagine un état non advenu. C’est une pensée brute. Au fur et à mesure que les contours en sont esquissés, par la planification des dates, des lieux qui seront visités, des amis qui seront retrouvés, cette pensée est extraite de l’abstraction. La pensée abstraite devient figurative et par le fait même rationnelle. A posteriori, regardant les photos prises au bord du fleuve, du lac, de la forêt, et cetera, expérience accomplie, la pensée devient tout à fait objectivée et rationalisée, puisque mesurable. C’est un exemple particulier, mais il s’applique à l’ensemble de la pensée abstraite et même au domaine de l’art et des sciences.

La force de l’abstraction réside donc dans sa capacité à étendre le domaine de la rationalité. L’art y puise toute sa puissance, d’ailleurs on peut le définir ainsi : l’ensemble des mouvements du corps et de l’esprit qui élargissent le domaine du réel. En ce sens, le mouvement de création puise inévitablement sa source dans la pensée abstraite. La rationalité s’abreuve de l’abstraction. C’est une réalité dans l’art qui n’est pas contredit par la formation de l’esprit scientifique selon Bachelard. D’ailleurs, il posait la question dans le discours préliminaire de son ouvrage phare : « pourquoi n’accepterions-nous pas de poser l’abstraction comme la démarche normale et féconde de l’esprit scientifique » ?

Peut-on alors affirmer que l’irrationalité au sens commun n’existe pas ? Qu’est finalement que l’irrationalité et est-ce véritablement le contraire de la raison ? Ou, plus justement, est-ce que la rationalité est le corollaire de la raison ? Des questions livrées au monde occidental depuis le miracle grec du Ve siècle, la raison s’est fait la pièce maîtresse de ce système. L’art classique en est l’une de ses manifestations. Cogito, ergo sum, je pense donc je suis, ajoutera Descartes près de 2100 ans après Périclès. Or, faire preuve d’abstraction nécessite un esprit sain. Mens sana in corpore sano dit Juvénal au premier siècle. Au XXe, les neurocognitivistes associe la pensée abstraite à certaines fonctions cognitives et même de bas niveaux à même titre que la capacité d’un sujet à puiser dans son expérience rationnelle et abstraite, c’est-à-dire : la mémoire. L’irrationalité est donc ébranlée. Au mieux, pourrions-nous parler de pensées dysfonctionnelles ou inadaptées ?

Comme on doit s’exercer à la raison, on doit donc aussi s’entraîner à l’abstraction. La raison nous parle du monde qui est advenu : à l’histoire. L’abstraction s’inscrit dans le monde qui est à advenir. Si nous ne pouvons pas nous faire tout à fait maîtres de l’avenir, nous pouvons maîtriser l’à venir par l’abstraction. Cette subtilité de langage fait toute la différence. Faire preuve de raison est une condition nécessaire à la compréhension du monde qui nous entoure. Il serait cependant déraisonnable, oserais-je dire, irrationnel de ne faire preuve de de raison pure.