Syntaxe de l’inconscience
Explorer les rêves pour inventer un monde nouveau. Comment ne pas s’y perdre ?
Première étape… accepter le rêve avant de tenter de déterminer ses contours.
À chercher un prédicat dans l’interprétation d’un rêve, on s’y perd nécessairement. Le rêve ne procède pas des mêmes schémas de la réalité. D’ailleurs, ce serait plutôt de l’inconscient dont opère la conscience, celle de notre réalité sensible. Cette dernière y puise les symboles cohérents qui nous permettent de communiquer, disons, rationnellement. La conscience puise néanmoins dans un vaste arrière-monde qu’il serait illusoire de tenter de cartographier. Le cartographe s’y égarerait rapidement en l’absence de contour, des régions basses et de hauts sommets. L’inconscient ne procède pas de la même syntaxe que la réalité.
Au delà du fait de se demander si le rêve a un sens, on pourrait se poser une question d’entrée de jeu : à quoi sert le rêve au sens pratique ? L’artiste ou tout simplement celui qui veut inventer, peut utiliser les mondes des rêves tout à fait pragmatiquement. Partant du postulat que le rêve n’est pas tout à fait la réminiscence déformée de moments déjà advenus, mais qu’il est la préfiguration de ce qui peut advenir, le rêve est la source de découvertes et de mélanges créatifs tout à fait surprenants.
Ceci étant posé, il convient aussi de lever une réfutation courante. On entend souvent dire : bien moi, je ne rêve pas. Le rêve est un processus biologique non exclusif d’ailleurs à l’espèce humaine. Tout propriétaire d’animaux de compagnies aura un jour ou l’autre aperçu son fidèle compagnon gémir ou bouger des pattes lors de son sommeil. Le rêve se produit pendant le sommeil paradoxal. À moins qu’un individu ait subi un traumatisme crânien qui aurait affecté le « centre du rêve », au demeurant très bien identifié par la recherche en neurobiologie, il rêve endormi tous les jours. Un bref survol des sociétés anciennes nous enseigne sur cette impression de ne pas rêver. Les anthropologues, mais plus particulièrement les ethnopsychiatries, relatent, notamment chez les sociétés amérindiennes, mais on a trace de ce type d’interprétation notamment dans le Talmud, que celui qui pense ne pas rêver est en fait malade et qu’il convient de le soigner. (Se référer aux travaux de Tobie Nathan à cet égard.)
Accepter que l’on rêve est la première des étapes. Cette acceptation concourt aussi, en quelque manière, à la guérison de celui qui penserait ne pas rêver.