Self made man ?

Ou les premiers pas de la déconstruction d’un mythe moderne.

Qui es-tu ?

Si je te le demande, ne me répond pas par ton nom ou ton prénom. Encore que ce dernier m’intéresserait tout particulièrement.

Tu insistes à me le donner… Moi aussi… et je te demande encore : qui es-tu ? J’ai toutefois une idée sur la question. Je pourrais en effet me fier à certains indices. Ainsi, je dessinerais les grandes lignes du croquis de ta personnalité. Je prendrais le temps de m’intéresser à toi et après le moment de la défiance viendraient les confidences. Comme une vieille femme lisant dans les lignes de la main, je regarderais aussi si ton dos est courbé par la pénibilité de ton travail. Si au contraire, tes épaules sont fières. Si tes yeux brillent d’une perspicacité défiante qui en dirait tout aussi long ; qui abreuverait sans que ton orgueil le souhaite mon décryptage mimétique. Car en réalité, il ne s’agit que de cela. Te décrire en fonction de ce que je percevrais ne serait qu’une illusion consentie.

Pour répondre à la question : qui es-tu, je, tu il doit faire preuve de bien plus de subtilités. Il convient de cogner aux portes des arrières-mondes, ceux de l’inconscient. D’aucuns des plus sages ont affirmé plus d’une fois que nous ne sommes rien sans les autres. Je ne suis rien sans toi. Tu n’es rien sans moi. Sans lui, mais surtout sans elles, nous ne saurions que des bêtes sauvageonnes.

Et celui qui ose dire qu’il s’est fait par lui-même n’est qu’une coupe percée par la vacuité de son égoïsme. Nous sommes les produits de notre enfance, de nos parents d’abord. De nos enseignants ensuite et de nos maîtres pour quiconque a eux la chance inestimable d’étudier. Mais ce n’est pas une fin en soi. Nous sommes les facteurs de nos cultures respectives, des schémas linguistiques particuliers que nos esprits donnaient. Ça et bien encore. Nous sommes construits sur les cendres des guerres et les baisers des réconciliations.

Alors, qui es-tu ?