Qu’est-ce que la peinture ?
Cette question a soulevé de nombreuses réactions au tournant du IXXe siècle vers le XXe alors que l’école classique perdait ses lettres de noblesse. Les peintres qui fréquentaient le café Gerbois (rue des Batignolles - actuellement avenue de Clichy à Paris) en savent quelque chose. Ceux qu’on a nommés impressionnistes voulaient réinventer la peinture. Une volonté qui a pris plus de 20 ans à se faire entendre, mais qui a porté du fruit. Parallèlement, Cézanne, lui aussi, marque une rupture avec les codes. Rupture qui a permis à des Matisses et des Picasso d’assoir leur style. C’est aussi à cette période que s’est largement diffusée la technique de la photographie. D’ailleurs, à certains égards, les mouvements du fauvisme et du cubisme analytique se sont développés en réaction à la photographie qui rendait la part belle à la réalité.
Où en sommes-nous cent ans plus tard ?
Qu’est-ce que la peinture en face des programmes de générations d’images comme Midjourney, pour ne citer que lui ? On raconte que dans un délire d’opium, Picasso se débattait en son temps contre la photographie. Aurait-il alors imaginé une réalité différente en repensant aux motifs presque monochromes de l’œuvre de Cézanne « Le lac d’Annecy » de 1896 ? Lorsqu’on étudie la toile de Georges Braques, La roche-Guyon de 1909, la filiation entre Cézanne et le cubisme devient évidente, notamment en la comparant à La vue de Gardanne de 1885-86. Les peintres du début du XXI siècle ont du se réinventer face à une innovation technique qui allait révolutionner la restitution de la réalité : la photographie. Cette adaptation a permis le foisonnement de styles et de contre-styles en art que nous connaissons depuis. De l’expressionnisme abstrait, en passant par le dadaïsme, le pop’art, l’art minimal et j’en passe des vertes… et j’en passe des moins mures ! Pour le meilleur et parfois pour le pire, quoiqu’il y ait de la place pour tous.
Depuis l’émergence de l’appareil photo, nous avons connu l’avèvement du numérique et, à son paroxysme, la diffusion grand publique des appareils photo sur les téléphones portables. Depuis peu, tous peuvent se prendre pour des créateurs. Il n’y a qu’à écrire un bon prompt sur Midjourney et Cie et le tour est joué ! Mais Midjourney et Cie ne peint pas. Midjourney et Cie ne permet pas de ressentir une émotion forte devant une toile qui reflète les ombres et les lumières de la journée. Midjourney et Cie ne permet pas ce travail en texture que la peinture offre. On pourrait craindre que les programmes dits « d’intelligence » artificielle ne fassent de l’ombre aux artistes. Notez au passage que je fais bien la distinction. Non ! À l’instar de la photo qui a poussé bon nombre d’artistes à se réinventer, ces programmes nous pousseront aussi à voir au-delà des apparences. La mission de l’artiste ne se résume plus depuis plus d’un siècle à imiter la réalité. On nous reconnait le droit à intensifier la couleur, à modifier les formes, à recomposer les objets, à livrer des messages entendus et sous-entendus. Alors, que nous reste-t-il à faire ? Se réinventer, pardi !!!