Pragmatisme psychique
Pour rappel :
Supernaturalisme , n. m, pragmatisme psychique qui tire sa force dans le rêve par lequel on se propose par toute manière d’expression connue d’exprimer les symboles issus de l’inconscient afin de les restituer dans le monde sensible pour son amélioration esthétique, philosophique et naturelle.
Et si, à l’instar de quelques scientifiques qui se sont arrêtés à l’étude de l’importance du rêve, ce dernier n’était que l’écume d’un chaos aléatoire et résiduel de notre cerveau ? À ceux-là, je répondrai : et alors ! Qui plus est : qu’à cela ne tienne. S’ils n’ont pas ainsi compris que le rêve ne peut pas être seulement à la lumière de la raison sèche… que pourrait-on leur dire de plus à cet égard ? La recherche à propos du sommeil en général et du rêve en particulier avance. Il faut bien le reconnaître. Les études, quoiqu’elles n’aboutissent pas tout le temps à des réponses évidentes à la question « À quoi servent les rêves ? », révèlent néanmoins qu’une partie de la classe scientifique s’y intéresse depuis le milieu du XXe siècle alors que les traditions anciennes en parlent largement depuis des milliers d’années. Ces dernières ont cultivé, entre autres, l’idée que le rêve est un dispositif divinatoire.
La méthode psychanalytique a tenté de rapprocher les clés des songes traditionnelles et la méthode scientifique. Les quelques propositions infalsifiables tout à fait intéressantes de la psychanalyse concernant le rêve lui confèrent ses plus grandes forces et faiblesses, par ailleurs. On constate que la méthode est utile cliniquement, mais reste scientifiquement bancale justement du fait qu’elle s’appuie sur des arguments infalsifiables. (Au sens que donne Popper au critère de falsifiabilité.) Quand Freud dit que le rêve est l’expression déformée mise en image et en récit de désirs refoulés, aucune expérience scientifique n’a su valider cette assertion ou la réfuter d’ailleurs. En cela, elle est infalsifiable. Pour autant, l’apport de la psychanalyse à la modernité est non négligeable. Elle a recentré le rêve dans le cerveau du sujet et a permis une large compréhension populaire de la notion de l’inconscient.
Allan Hobson (1933-2021 — éminent neuropsychiatre américain connu pour ses recherches sur le sommeil paradoxal) écrivait en 1977 que le rêve ne servait à rien. De nombreux scientifiques se sont longtemps accordés sur cette vision stricto-scientifique que le rêve n’est qu’un produit de l’intense stimulation du cerveau pendant le sommeil paradoxal, voire un épiphénomène de ce dernier. (Conséquence involontaire comme la chaleur qui se dégage de l’ampoule alors que son but premier est la production de lumière.) Et que dire de ces autres chercheurs qui ont nié pendant si longtemps l’existence du rêve lucide (rêve où le sujet prend conscience qu’il est endormi) sous prétexte qu’ils ne pouvaient pas en faire l’expérience ? Voilà des chercheurs frustrés de ne pas connaître les délices du rêve éveillé.
Le rêve semble bien servir à quelque chose, n’en déplaise à d’aucuns. Les chercheurs osent même enfin parler de ses fonctions qu’ils commencent à pouvoir expérimenter. La première de ces fonctions consisterait à prendre soin de notre santé émotionnelle et par le fait même, de notre santé mentale. La seconde exercerait notre esprit à résoudre des problèmes issus de notre expérience consciente. Ce serait les mécanismes de cette dernière fonction que l’on utiliserait dans ce que j’appelle le pragmatisme psychique, ou si vous le préférez, la valeur pratique des rêves utilisée en pleine conscience dans l’activité de création éveillée.
Dans une certaine mesure, les onirocrites en interprétant les rêves des autres permettent une utilisation pragmatique du rêve. Si un tel symbole est censé rendre le sujet plus vigilant parce que son subconscient l’avertit d’une fatigue générale qui s’installe, le rêve interprété peut se révéler utile. Le rêve est-il, par ailleurs, le médiateur entre nous et une entité d’une altérité radicalement différente ? (Dieux, saints, anges, démons… et cetera) C’est au sujet d’y voir ce qu’il souhaite ou d’y croire tout simplement. Pour autant, l’absence ou pas de croyance en cet aspect du rêve ne remet pas en question son caractère pragmatique : qu’il puisse être utilisé concrètement dans toutes formes de créativité consciente.
Lorsque je parle de rêve et de son caractère pragmatique psychique, il faut entendre le rêve avec une sémantique ambivalente, superposée et complémentaire. Le rêve est bien cette activité mentale qui se produit pendant le sommeil. Activité dont nous faisons l’expérience toutes les nuits, que l’on s’en souvienne ou pas. Le rêve est aussi et de force égale (ambivalente, superposée et complémentaire) cette aspiration à ce monde meilleur. Meilleur individuellement, puisque résolument tourné vers le collectif de l’ensemble du vivant. C’est ce qui est proclamé dans la définition du supernaturalisme lorsqu’il est question de l’amélioration esthétique, philosophique et naturelle du monde.
Chaque nuit, le cerveau produit des symboles. Ils se superposent parfois de manière surréaliste. Parfois… souvent, presque tout le temps ! Lorsqu’il est le temps d’interpréter les rêves, c’est l’action de les lier à une production d’idées sensible que je nomme pragmatisme psychique. Je puise mon inspiration dans les rêves (le monde psychique) et je les mets en action dans le monde sensible (pragmatisme).