Oiseau de nuit

Nombreux sont ceux qui font de la nuit un outil de création. Au clair de la lune, mon ami Pierrot ne voit plus tout à fait le monde sensible de la même manière. Les ombres et les textures sont plus marquées. Les contrastes font apparaître des contours inattendus. Ces oiseaux de nuit sont néanmoins souvent mal compris. Ils ne sont pas de ceux qui s’imbriquent facilement dans le rythme parfois absurde imposé par le métro, le boulot et le dodo. Ils ne se couchent pas tôt, ne se lèvent que très difficilement à l’aurore et ne sont pas productifs de 8 h à 17 h comme la masse. Leurs heures sont tout simplement différentes. Ils sont de ceux qui vont au lit aux petites heures du matin et sont arrachés contre leur volonté au sommeil par un réveil mécanique gueulard ! À chacun son cycle circadien, mais pour ceux-là ça ne colle pas !

Longtemps, les sociétés traditionnelles ont fait de la nuit un temps et un espace de ténèbres, de peur et de mort. Tout ce qui y tirait sa source était par le fait même l’objet de diabolisation. Le rêve, à titre d’exemple particulier, fut pour certains un espace de rencontre avec les forces du mal. Or, aujourd’hui, on admet plus facilement que le rêve est un processus biologique et que, s’il y a des rapports à établir avec les mondes visible et invisible, monde extrinsèque au sujet rêvant, ce ne peut être mis sur le compte que des perceptions accumulées pendant l’éveil. Accumulées consciemment : par la réalité sensible (perceptions sensorielles). Accumulées inconsciemment : par un mimétisme social et culturel.

La nuit souffre ainsi du malus par rapport au jour. Elle est le théâtre de ce que l’on ne voit pas, de ce dont on ne se souvient pas non plus. En effet, par définition, le sommeil est le moment où l’on se coupe de la réalité. Dans un monde froidement rationnel, ce qui compte c’est l’expérience, qui plus est, bien éveillée. En outre, pour peu que quelques-uns se souviennent de quelques bribes de rêve, plus de 95 % de l’activité onirique sera irrémédiablement perdue. Pourtant, il y a bien un monde lorsqu’on rêve endormi. Depuis 1965 et la découverte du sommeille paradoxal (REM), la science comprend un peu mieux le théâtre de l’invisible, mais de longs et pénibles efforts sont encore nécessaires pour faire valoir la force potentielle du rêve.

Oiseaux de nuit, hululez en cœur. Faites reconnaitre le théâtre de la nuit comme lieu d’expression et de satisfaction des idées… les plus prodigieuses. Parce que le monde de la réalité semble s’endormir de plus en plus vite dans un schéma matérialiste absurde, éveillons-nous à un autre monde, plus juste… un monde plus élégant, plus sage et plus naturel…

Histoire du théâtre de la nuit à suivre…