Les sens ou les idées ?

En école d’art, on vous enseigne à peindre ce que l’on voit et non ce que l’on pense. Fermez les yeux et pensez à une tout autre chaise que celle qui accompagne cet article. Comment est votre chaise ? Ouvrez les yeux et n’y repensez plus pour le moment.

Se fier à son œil pour traduire les couleurs ressenties est un bon départ qui nous enseigne de nombreuses vérités oculaires, lesquelles peuvent sembler conte-intuitives. À titre d’exemple, vous trouverez beaucoup de bleu dans les paysages de montagnes même sous la chaleur du soleil des tropiques. Les montagnes éloignées seront de plus en plus claires. Peindre ce que l’on voit est un fondamental. L’observation est l’activité qui met en œuvre les formes telles que notre inconscient s’attend à les recevoir.

Un fondamental doit néanmoins être dépassé. Quoi de plus triste qu’un artiste qui ne saurait pas se renouveler ? Il faut apprendre à se dépasser, à sortir des fondamentaux. Pour reprendre une expression à la mode : à sortir de sa fameuse zone de confort. En sortir, soit, mais dans la juste mesure. Cette mesure, vous l’identifierez déjà en vous posant la question suivante : est-ce que je veux traduire un design ou une œuvre d’art ? À défaut de me répéter, mais cette différence est un autre fondamental à acquérir, l’art est à l’inconscient ce que le design est au conscient. L’art est multisymbolique dans ce sens, alors que le design est monosymbolique. L’un n'est pas meilleur que l’autre. Le design est la fille de l’art et la fille doit savoir grandir. La mère se retirer pour laisser vivre dans une boucle infinie.

Ceci étant posé de nouveau, si je dois transcrire toute la puissance d’un seul symbole, je fais nécessairement appel au monde des idées, mais de manière radicale. Bien entendu, toutes les idées ont leur place dans la démarche artistique. Or, pour lier tous les symboles dans un seul message, qu’il soit donné a priori ou que le spectateur doit faire preuve de réflexion pour en dégager la force symbolique, vous devez a minima, donner une ou deux clés de lecture qui sera puisée dans l’observation. Si vous vous défiez de la perspective, alors faites en sorte que les ombres soient correctes, par exemple.

Force est d’avouer que ces conseils s’adressent pour ceux qui souhaitent transmettre un message. Pour les autres, je n’ai pas grand-chose à leur dire. Mais revenons enfin à la chaise imaginée tout d’abord et observons celle liée à cet article. Combien de pattes voyez-vous ? Observations faites, que pouvez-vous dire des proportions surprenantes que livre un objectif de 18 mm ? À vous de voir et ce n’est pas qu’une figure de style…