Nuit blanche

Le sujet, celui qui dort, sensible au matin à se souvenir de ses rêves, opère de quelques manières pour les faire ressurgir de sa nuit. Mais quelques fois, les rêves restent bloqués dans l’inconscient. Lorsque cela arrive et que la volonté de retracer le parcours de la nuit se fait plus forte, il existe des techniques de secours.

La règle d’or consiste à rester calme. Si le souvenir d’un rêve en particulier peut sembler important, il ne suffit pas de balayer mentalement des images à la suite. En refermant les yeux, le rêve peut réadvenir tout bonnement. Dans le cas contraire, l’esprit s’attache souvent à des images de la veille, notamment celles liées aux activités qui ont précédé l’endormissement. C’est d’ailleurs presque un réflexe que possède notre conscience d’aller puiser des images de notre réalité sensible. Mais la nuit ne procède pas ainsi. Les sens n’y ont pas autant de place ni d’importance. Balayer de nouveau les images réminiscentes des rêves des nuits précédentes est une astuce qui fonctionne assez bien ; comme si la mémoire des rêves n’était pas tout à fait la même que celle de notre mémoire sensible. En remontant le cours des rêves connus (cela implique que le sujet s’exerce depuis un certain nombre de jours à la réminiscence), on met souvent la main sur une première image qui correspond au rêve voilé. À partir d’une première image, une suite d’autres refont habituellement surface. Ce n’est néanmoins pas systématique et il faut de l’entrainement.

Il arrive toutefois que la nuit reste muette. Dans le calme, toujours, il faut se lever et vaquer à sa journée en acceptant pleinement cet échec. Il faut bien vire, manger, bouger, travailler, aimer… et cetera. La pire attitude qui tend à bloquer encore plus l’inconscient consiste à se tyranniser l’esprit en faisant de vain effort de mémoire. Certaines personnes consacrent beaucoup de temps à l’étude, voire à la rédaction de leurs rêves. Dans la méthode supernaturaliste, c’est d’ailleurs le vivier de la création. Mais on ne doit rien attendre d’exact en se plongeant dans le monde des rêves. Une nuit blanche arrive de temps en temps, parfois même plusieurs jours d’affilée. Une nuit blanche ! Pas celle où l’on ne dort pas, mais bien celle où les rêves ne refont pas surface pour une raison ou pour une autre. Ces raisons peuvent être multiples : stress journalier trop important, abus d’alcool ou prise de drogue, de certains médicaments qui bloquent le sommeille paradoxale…

L’esprit humain possède aussi cette peur irrationnelle qui à croire qu’à partir d’événement peu significatif, toute la machine se bloque. Il n’en est évidemment rien. Évidemment ! Pas tant que cela ! Il se peut très bien que la première image réminiscente pointe le bout de son nez plus tard dans la journée, lorsque l’on vous demandera : « Tuba bien nagé ? » À cela quoi répondre, sinon : « Oui, merci ! La nuit était bonne ! J’ai bien nagé dans les rêves qui sont les miens ».

Mais les nuits blanches persistent parfois plus durablement et c’est à partir de cet aveuglement par trop de lumière de la réalité sensible qu’il faut travailler à recouvrer la réminiscence. Si toutefois le sujet veut encore persister. Car, le plus sage serait encore à l’abandon et la remise à la nuit suivante. Pour quiconque s’acharnerait, le dernier outil de secours consiste à noter l’impression générale de sa nuit. Par exemple : « J’ai l’impression d’avoir rêvé de moments banals qui concernaient trop ma vie sensible des derniers jours. » Écrivez et surtout, relisez-vous à haute voix. Vous entendre pourra agir sur votre subconscient qui peut-être vous entendra.

Des traditions qui remontent pour certaines à l’antiquité estiment que l’on peut suggérer le soir à sa conscience des orientations pour les rêves de la nuit à venir. Je ne m’attarderai pas sur ces techniques qui demandent de la recherche, de l’étude et de la pratique pour des résultats qui ne peuvent qu’être profondément personnels. J’attirerai néanmoins votre attention sur une mise en garde. Pour ce faire, je dois vous communiquer un rêve qui revient à moi de loin en loin, mais de moins en moins. Je rêve en effet que je monte un escalier sans fin. Je pourrais bien tenter de suggérer à mon esprit que cette fois-ci l’escalier me mènera bien quelque part. Or, cette suggestion pourrait être a contrario de certaines résistances plus profondes qui doivent être levées avant une telle demande psychique. Persister à affronter une résistance par des suggestions conscientes peut mener à la nuit blanche. Il faut savoir suggérer à la nuit des sentiers accessibles.