Les données du changement
Qu’il soit subit ou voulu, le changement anime le monde. Tout est en perpétuel mouvement, de la plus simple particule élémentaire au temps qui passe inexorablement, en passant par le vent, celui du soleil, mais aussi des printemps et des automnes. Le changement est soit subi, soit voulu. Le changement subi est souvent pénible. Le changement voulu ne l’est pas moins, mais celui ou celle qui en est à la source aura pu anticiper une ou deux de ses conséquences afin d’en mieux vivre les secousses.
Le changement peut s’opérer vers l’arrière ou vers l’avant. Dans les sociétés traditionnelles (nombreuses, colorées et chantantes), on regardait vers l’arrière pour honorer les gestes et la pensée des anciens afin de construire un avenir à l’image de la continuité. Dans les sociétés modernes et bien moins nombreuses (Y aurait-il eu une convergence des cultures ?) Le passé est un nuage diffus. On le connaît, mais il ne sert à tout le moins que de substrat au progrès déjà remplacé par sa fille : l’innovation.
On est baigné dans le changement subit. Savoir nager correspondrait à apprendre non pas à s’adapter aux multiples changements, non pas à faire preuve de résilience (mot à la mode), mais bien à le devenir… être, incarner le changement. Mais définir un mot d’usage pour en donner un sens nouveau est un exercice périlleux… une manœuvre de haute voltige. C’est pourquoi je ne tenterai pas de définir de nouveau ce qui est connu, laissant l’exercice à d’autres plumes plus habiles. Loin de moi l’idée, pourtant, d’abandonner si rapidement !
M’appuyant sur le principe de causalité, je me limiterai à identifier les causes qui inhibent et favorisent les forces du changement. Des causes qui inhibent le changement, je n’en retiendrai qu’une seule d’entrée de jeu. En effet, j’estime ne pas devoir lutter contre l’inéluctable, réservant toute ma puissance à la création et à l’amour. Or, ce facteur d’inhibition peut être énoncé de la manière suivante : l’idée promulguée est trop belle et trop grande pour le sujet ; celui qui l’énonce. C’est pour cette raison que les utopies ne resteront que de belles histoires. Inversement, c’est en quelque sorte pour cette même raison que les dystopies ne sont pas prises au sérieux. Et pourtant ! - Des facteurs qui favorisent le changement, j’énoncerai tout d’abord : le cataclysme, la répétition, les obstacles et le sacrifice. Le cataclysme est de ces facteurs subits des plus puissants. Il force au changement, déplaçant souvent des milliers, voire des millions d’individus. Il réorganise les écosystèmes jusque’à creuser de nouveaux fleuves. Il change aussi les mentalités. Allez demander à un ancien résident de Fukushima ce qu’il pense du nucléaire !
La répétition est un facteur ambivalent, c’est-à-dire qu’il peut inhiber comme favoriser le changement. La publicité force les masses à consommer. C’est une transformation de la matière aveugle qui ne se soucie ni des ressources ni du bonheur. La propagande est une forme de publicité. Elle enracine les idéologies et par le fait même inhibe toute forme de réaction. - Les obstacles doivent être contournés, c’est pourquoi ils forcent au changement. La maladie, un accident peuvent inciter au changement. Ce ne sera néanmoins que des événements personnels. Je n’y accorde pas beaucoup d’importance.
Il y a des idées trop grandes et trop belles pour celle qui les porte. Un moyen est donné pour celui ou celle qui souhaiterait les pérenniser. Il s’agit du sacrifice. Tout penseur qui se sacrifie pour ses idées aura plus de change d’être porté à la postérité. On se souvient bien plus facilement de ceux qui sont partis trop rapidement. - Enfin, pour ceux et celles qui souhaitent donner un sens à sa vie (car se changer soi-même, c’est changer un peu le monde) le changement ne doit plus faire peur. Il doit être consenti et même souhaité. Celui ou celle qui marche sur le chemin de la connaissance, de la sagesse ou tout simplement de la compréhension du monde voit défiler les paysages et les ombres qui sortent des cavernes tout au long de sa pérégrination. S’il doit s’arrêter à l’une ou l’autre des cavernes pour demander à boire et à manger, il ne doit pas y loger. Il doit dormir à la belle étoile. La regarder. La fixer au loin et y trouver son inspiration.
À Saint-Denis de la Réunion
Victor Abel