Identifier le Soi à une étoile
Par temps dégagé sur la mer dans ces temps anciens où le compas, la carte, la boussole et le sextant servaient le navigateur comme outils fiables pour l’exploration, on pouvait encore rectifier sa trajectoire grâce aux étoiles. Guides infatigables pour d’aucuns, élevées au statut de deux pour d’autres, parfois ont-elles symbolisées l’un et l’autre ; dieu guide. Notre compréhension moderne de ce que sont les étoiles dans la matière telle que le conçoit Mandeleïev tend à les déclassifier : ni guide ni dieu, mais une masse considérable dont la lumière nous provient d’un passé en fuite.

Illusion ? Une autre de plus ?
L’étoile est une formidable source d’énergie et d’attraction. Si considérable d’ailleurs qu’il ne nous sera jamais permis de nous en approcher. Pour ce faire, nous sommes et serons toujours relégués aux métaphores et aux litotes de la science-fiction. Désenchanté alors par les étoiles ? Si elles ne nous impressionnent plus comme avant, c’est aussi que notre rationalité nous défend de craindre un phénomène trop lointain pour avoir une quelconque influence sur notre réalité. N’eut égard des toutes les conceptions mythologico-astrologiques. Ce serait encore faire preuve d’arrogance moderno-vulgaro-scientifique, car un bon chercheur éprouvé par la méthode scientifique rappellerait tout de même que nous sommes imprégnés par l’influence de notre étoile et que, sans elle, nous ne serions que poussière éparse dans un univers en expansion.
D’un point de vue civilisationnel, les étoiles sont devenues pour nombre d’entre-nous des idoles que nos enfants rêvent de personnifier. Ne dit-on pas « star » en parlant de tous ceux qui dépassent les 100 000 000 de vues pour une vidéo publiée sur YouTube ? C’est alors que je trouve des réponses à un malaise moderne dans les mythologies, presque à contre-courant. En me replongeant dans les textes des anciens, ces derniers me livrent leurs symboles à propos des étoiles et des idoles. Lignes après ligne je reconnais une relation de haut en bas et de bas en haut. Hier comme aujourd’hui la lumière des étoiles vient à moi. Et si le haut et le bas n’ont pas d’importance dans le référentiel de l’espace et du temps, je dois toujours lever les yeux au ciel pour les contempler. À moins qu’il ne s’agisse de l’étoile du matin au solstice. Auquel cas particulier, je n’ai qu’à regarder à l’horizon.
En outre, c’est bien dans les mots des anciens que je me figure une tribu d’israélites en qu’être d’un guide, en contemplation à genoux en bas de leur veau d’or. Si ce dernier ne se soucie pas de ses adorateurs, ces derniers ont installé leur idole en haut pour être vus de loin en bas.
À l’instar des idoles d’aujourd’hui, elles peuvent être vues de loin et à la demande malgré l’illusion de proximité numérique. D’ailleurs, qu’elles soient petit à petit remplacées par des intelligences artificielles ne tient qu’à un pas. Les esprits sont déjà prêts, ayant toujours vécu à des années-lumière de ses fans, ce sera le même écran qui les séparera.
Comprendre le symbole de l’étoile, c’est ainsi plonger dans le Soi, dans l’univers de l’inconscient collectif. Les influences que j’ai citées plus haut nous habitent tous du simple fait que nous soyons influencés par les traditions occidentales. Mais l’étoile est l’un de ces mythèmes dont parlait Claude Lévy Strauss dont je doute qu’il puisse avoir trouvé son inspiration dans les archétypes jungiens. Enfin ! Elles nous influencent, ces étoiles, d’un passé symbolique commun par le truchement de notre inconscient, peut-être même aussi puissant que notre soleil lorsqu’il nous garde depuis des milliards d’années dans son champ gravitationnel.