Dopé au sommeil
Pendant des millions d’années, nos ancêtres biologiques se sont protégés des grands prédateurs (hyène, tigre à dents de sable…) et des petits parasites (poux, tiques…) en dormant là-haut dans les arbres. Quelques hominidés, en y descendant, ont gagné un avantage plus que considérable sur toutes les espèces du vivant. Au sol, sans crainte de tomber et probablement protégé par le feu et les rondes de membres de la tribu, le cerveau d’Homo erectus s’est métamorphosé en quelques milliers d’années. Un sommeil réparateur et la modification de la durée du sommeil paradoxal, entre autres, à permis le traitement d’émotions de plus en plus complexes. (Voir les travaux de Dr. Mattew Walker, Why we sleep, 2017)
Il s’agit d’un raccourci, mais on peut affirmer que le sommeil, en protégeant la structure socioémotionnelle des membres de la tribu a permis l’émergence de la civilisation par la conséquence de cette contribution évolutive : la créativité naissante dans les rêves de plus en plus complexes.
Sans cette amélioration du sommeil, l’espèce que nous sommes ne serait pas plus sapiens (homme : Homo sapiens) que le bonobo est paniscus aujourd’hui (bonobo : Pan paniscus). Sans la nuit, ses rêves pour penser un nouveau monde, pas d’édifice, de culture, de compréhension de l’univers. Rien qu’au mieux des bâtons pour attraper de fourmis.
Nous sommes en chemin. Depuis les chasseurs-cueilleurs, un monde toujours plus complexe s’offre à nous. Notre univers connu ne se calcule plus en pas d’une rivière à l’autre, d’une vallée à la suivante, mais en année lumière, en espace et en temps. Le rythme effréné de la modernité semble néanmoins nous éloigner d’un autre référentiel qui a contribué fondamentalement à faire de nous ce que nous sommes. Cet espace, c’est le rêve. Celui d’un monde plus beau et plus harmonieux. Mais la rationalité sèche nos esprits. Loin de moi l’idée de la rejeter. Elle est un bon outil. Un outil puissant, mais imbécile si utilisé sans perspective. Elle conduit à un manque d’idéal qui nous fait accepter le profit comme une source de satisfaction égale à l’amour. La rationalité esseulée conduit à tuer le vivant dans lequel nous sommes intimement imbriqués. La rationalité pure épuise le sujet pensant.
Si le sommeil permet de réguler nos émotions, d’accroitre notre mémoire associative, de réguler la température du corps… de nous garder en santé plus longtemps… pourquoi est-il aussi mal compris et dévalorisé ? À quoi peut bien servir de lever le pied ? Peut-être à construire ou à reconstruire un monde plus beau, plus sage et plus naturel ?