De la créativité des modernes
Alors que les artisans de la tradition se sont exercés pendant des milliers d’années à reproduire les mouvements qui leur permettaient de représenter le cosmos dans toute sa splendeur, l’artiste moderne doit s’en cesse briser les codes à travers une tyrannie de l’innovation. Il ne s’agit plus de recréer un idéal vrai pour tous. Ce qu’il faut atteindre, c’est plutôt la subjectivité de l’individu. Il faut bouleverser les cœurs quitte parfois à les révulser.
Peinte par Goya entre 1819 et 1823, Saturne dévorant l’un de ses fils est l’une de ces images qui tendent à bouleverser les sensibilités individuelles.
Le paradoxe de cette œuvre se trouve dans le fait que Francisco de Goya se réfère au thème de la mythologie antique, mais peint une œuvre profondément moderne. En effet, les anciens auraient certainement ignoré l’œuvre de l’espagnol. Pourtant, elle attise la réflexion dans le cœur et l’esprit des modernes.
L’art moderne exagère les traits de caractère, qu’il soit a priori bon ou mauvais. Elle amplifie des singularités de manière parfois grotesque. C’est une fracture qui semble peu comprise par le public encore influencé inconsciemment par le paradigme de l’art des anciens. L’artiste moderne recrée l’art à chaque instant. C’est une création continue, une recréation qui s’inscrit dans une certaine forme de tyrannie de l’innovation.