La contrainte
Un projet se profile devant soi, en équipe ou seul. Ce qui apparait, ce qui saute aux yeux d’entrée de jeu, ce sont souvent les contraintes qui y sont associées. Elles peuvent être de natures très différentes : matérielles, économiques, légales, personnelle… et cetera. Qu’à cela ne tienne ! Rien ne peut être pensé et créé dans le monde sensible, celui de la matière, dans la plus parfaite liberté. Cette dernière n’appartient qu’aux rêves. La contrainte, pour y revenir, est d’abord un indicateur de ce qui ne pourra pas être réalisé. Trop souvent, l’impulsion créatrice s’arrête là ! Dommage, car c’est se priver d’une force mise au service de la créativité. Accueillir les contraintes permet de visualiser ce que nous pourrions appeler la polarité de l’interdit… ce qui peut être réalisé en toute liberté, hors de la contrainte et d’y consacrer toute son énergie, du moins, dans un premier temps. On ne saurait se priver de ressources encore inattendues. Nous y reviendrons. L’accueil de la contrainte, c’est avant tout emmagasiner son énergie potentielle. Elle sera déployée plus tard dans le processus de création. Tout cela reste encore bien théorique, peut-être même poétique. Il convient de creuser, en effet.
La contrainte possède toujours une force potentielle. Qu’est-ce à dire ? Prenez une roche d’une taille acceptable dans un parc. Elle possède bien une masse que vous pouvez apprécier et approximer en l’arrachant du sol. Disposez-là maintenant au sommet d’un muret. Tant que rien ne se passe, la force potentielle demeure dans la roche… tant qu’un enfant un peu « expressif » ne passe pas par là en laissant tomber la pierre et en libérant de fait son énergie gravitationnelle et son énergie thermique en fracassant le sol duquel vous l’aviez arraché. Il en est de même pour la contrainte. Accueillir la contrainte, c’est accepter que tout ne sera pas possible, mais c’est aussi prendre conscience qu’elle pourra aussi être au service du projet, mais en libérant d’autre forme d’énergies (ou pas, mais l’essentiel dans la fondation d’un projet est de les dépasser).
L’accueil permet d’aller au-delà des principaux obstacles de départ, cela a été posé. Rien n’est insurmontable, ni dans la production de nouvelles idées créatives ni dans la recherche scientifique, par ailleurs. L’accueil est la voix qui permet symboliquement à l’énergie de la contrainte de s’emmagasiner dans votre projet. L’accueil sera toujours une force plus grande que celle imposée par la contrainte initiale, car dans le monde des idées, on peut contredire le deuxième principe de la thermodynamique qui interdirait à l’énergie de se renforcer. Et comment cela se produit-il en général ? Un projet digne de ce nom est inscrit dans le temps. Les jours passent, les nuits aidant à la créativité aussi. Il y a donc la conscience de votre projet, celle inscrite dans vos tableaux Excel, votre paperboard, votre tableau de bord vous servant à co-construire… Il y a aussi l’inconscience de votre projet qui est travaillé en arrière-plan et qui constitue la part immergée de l’iceberg. Cette inconscience travaille à intégrer les contraintes initiales de votre projet en superposant les idées et les symboles chaque nuit pendant le sommeil paradoxal, celui des rêves. La confiance apportée à l’inconscience, paradoxalement pour un esprit plus scientifique, permet d’accoucher de ce moment hautement stimulant… celui de l’eurêka ! Cette décharge qui pourra se produire dans un moment d’éveil transformera l’énergie potentielle de la ou les contraintes liées à votre projet en constituant pleinement imbriqué à celui-ci. Un ingrédient qui renforcera votre idée d’origine à l’instar de ces grands penseurs. Je pense notamment à Einstein qui aura produit de nombreuses idées, et des plus formidables, en expérience de pensée semi-éveillée.