Conscience émergeante

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Le métier de l’art, c’est créer, soit ! Mais c’est surtout apprendre à créer. Je vois mon atelier comme un laboratoire. Qu’y fait-on ? Je veux dire, que fait-on au juste dans un laboratoire… d’idée ou de vaccin d’ailleurs ? C’est le lieu de la mesure et de l’expérimentation. C’est l’endroit idéal pour confronter dans l’expérience ses hypothèses et le fruit de ses recherches. Car il faut bien distinguer recherche et expérimentation. Celui qui ne serait que dans son laboratoire deviendrait très bon technicien, mais s’éloignerait de la recherche. Celui qui ne passerait que ses jours dans les livres à la recherche s’éloignerait possiblement de la vérité qui ne peut être assurée que par l’expérience du laboratoire. C’est un enseignement que nous livre Kant dans sa principale critique, celle de la raison pure.

L’artiste aussi cherche. En ce qui me concerne, je cherche chez les anciens les méthodes de production qui ont permis la meilleure conservation possible de leurs œuvres à travers les siècles, voire, les millénaires. Je recherche dans les livres, puis j’expérimente dans mon laboratoire. Évidemment, la variable « t » n’est que très difficilement contrôlable. Je ne possède pas de machine à faire un bon en avant dans le temps pour vérifier que ma mise en production ait effectivement bien passé le temps. Au mieux, je pourrais simuler les conditions de vieillissement en insolarisant l’œuvre aux UV pour simuler le vieillissement. Certains laboratoires possèdent ce genre d’instruments et inventent d’ailleurs de nouveau préférés pour simuler le vieillissement afin de mieux l’anticiper. Mon laboratoire n’en est toutefois pas pourvu. Qui sait si un jour je n’aurai pas accès à des microscopes ou tous autres appareils de mesures afin de valider mes recettes ? Néanmoins, mon hypothèse est la suivante : en recherchant à la fois les modes de production, les conditions et les matériaux mis en œuvre par les anciens qui sont aujourd’hui reconnus à la fois comme de bons artistes et d’excellents techniciens, la probabilité pour que ma propre mise en œuvre passe aussi le temps est suffisamment élevée pour en faire un gage de confiance.

Approfondissons l’idée par une comparaison qui prend la forme d’une question : de qui vous souvenez-vous le plus facilement entre Usain Bolt et Eliud Kipchoge ? Comme il ne s’agit pas d’un sondage sous contrôle scientifique, permettez-moi une suggestion. En ce qui me concerne, j’ai dû chercher pour connaître le plus grand champion de marathon. Le plus grand plus grand sprinteur, je le connaissais. Pourquoi ? Peut-être parce que le temps présent nous enseigne plus facilement à penser les temps courts. Symboliquement, 2 heures, une minute et neuf secondes c’est déjà devoir penser le temps long par rapport à 9 secondes et cinquante-huit centièmes. On nous enseigne les temps courts, on nous dit aussi que le bonheur est dans le temps présent ! Lorsqu’il s’agit alors de penser les temps longs, notre esprit est un peu dérouté. On voit aussi des problèmes surgir là où la prise en compte des temps longs n’est pas comprise, donc pas respectée. C’est le cas notamment de la question du climat. Il est très difficile pour nous d’amorcer quelques changements qui soit puisque nous sommes submergés par le temps court et, à plus forte raison, le temps présent.

Je proposerais bien, en conclusion, un petit exercice pour s’extraire du temps afin de le penser plus en avant. S’agissant peut-être aussi de s’exercer individuellement sur notre capacité à penser le climat. L’exercice commence ainsi : il faut prendre conscience que le pétrole est un accélérateur formidable de temps. Grâce à lui, l’histoire de l’humanité a fait des bonds de géants. Tout va plus vite, les hommes, les marchandises, les idées. Il fait même pousser plus vite les plantes ! Faisons ensemble un pas de plus dans l’exercice. Une méthode de création consiste à construire un scénario sans jamais nommer le sujet principal. C’est au spectateur de l’identifier. Cette technique qui peut être utilisée au théâtre révèle souvent de belles interprétations très subjectives. Cette technique est transposable dans la recherche. Il s’agit alors de retirer temporairement la principale variable de recherche pour mettre en lumière la panoplie de variables secondaires. Si l’on devait penser le changement climatique de cette manière, on pourrait procéder ainsi : il faudrait imaginer un ou plusieurs mondes où le pétrole serait inconnu et où le climat changerait néanmoins tel que nous le connaissons aujourd’hui. En quelque sort, il s’agirait de décrire un monde comme nous le connaissions au 17e siècle. La troisième et dernière étape de cet exercice consiste, à la lumière de la deuxième, à réincorporer la variable principale dans la boucle.

Je serai enchanté de lire ou d’entendre vos interprétations de l’exercice sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, planté des arbres étant aussi un exercice qui s’inscrit dans le temps long, je vous invite à découvrir plus en avant le projet #ARTbres et forêts sur son site dédié.