C'est pas moi, c'est lui

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Platon ne peignait pas le jour où l’Oracle de Delphes avait annoncé à un ami que l’homme le plus sage était Socrate, ce qui avait agacé nombre de citoyens, ce qui le mènera vers son fameux procès. Il ne peignait pas ! Comment puis-je me permettre d’être aussi catégorique ? On ne peut pas l’assurer, soit, pour des raisons d’espace et de temps. Ni pour Socrate ni pour Platon d’ailleurs ! Très difficile, me direz-vous, d’être à deux endroits en même temps avant que la fibre optique nous superpose virtuellement dans plusieurs lieux à la fois. Et en cela, vous aurez raison de l’affirmer ! S’ajoute aussi une contrainte de temps. Comment être au même endroit dans un intervalle de 2400 ans ? Admettons un instant que l’on puisse s’exercer à l’idée que les contraintes de temps et d’espace puissent être surmontées. Il n’en demeurait pas moins nombre de considérations culturelles sur la répartition des activités dans la cité antique athénienne qui pourraient appuyer l’affirmation. Mais passons.

Si l’un ou l’autre des philosophes de l’attique ne peignaient probablement pas, si Socrate dans sa quête à savoir si effectivement il était le plus sage, devait se consacrer à des activités de l’esprit d’autant plus profitable, nous pouvons en juger positivement. Profitable ! Pour l’esprit aurait-il argué ! Il aurait peut-être ajouté que seul ce type de profit enrichit l’homme et que toute autre recherche est futile. C’est un peu fort et, il faut bien le reconnaitre, philosopher, quoique bénéfique pour le cœur et l’esprit, ne met pas toujours du beurre dans les épinards. Octroyons-nous tout de même une pause dans notre quotidien effréné et philosophons un peu si vous le souhaitez…

L’Oracle de Delphes avait donc annoncé que l’homme le plus sage en son temps était Socrate. Ce dernier fut tout à fait surpris de l’entendre et d’ailleurs, il ne fut d’abord pas d’accord avec l’affirmation. Il s’adressa donc aux les hommes libres et non libres des environs d’Athènes afin de confronter la Pythie dans ses dires. Socrate devait confronter sa sagesse toute particulière aux hommes de son temps. (Car à cette époque, les femmes ne comptaient pas encore, mais fort heureusement, nous y viendrons !)

Socrate ne posa pas la question à savoir s’il était le plus sage dans une quête d’égo. Pour un moderne profondément tourné vers l’individualisme, cela peut sembler fallacieux, voire inquiétant. Mais le bel esprit qu’il était n’accordait pas tant d’importance à l’homme Socrate, mais bien davantage aux idées qu’il portait. L’une d’entre elles était que les hommes de son temps accordaient déjà à cette époque une trop grande importance à ce qu’ils croyaient savoir. Croire savoir ! Quel paradoxe à première vue d’entendre un philosophe enseigner que savoir est souvent une illusion ! Qui plus est, qu’être persuadé est un grand péril. Socrate savait évidemment beaucoup de choses, mais la plus importante est qu’il ne savait rien. Par là, il voulait lancer un avertissement. Déjà que nos certitudes nous aveuglent. Mais c’est encore plus subtil que cela. Approfondissons…

Revenons un instant à la quête que s’est fixée Socrate après que la Pythie ait annoncé qu’il était l’homme le plus sage. Que nous raconte Platon dans L’apologie de Socrate quand cette nouvelle vient aux oreilles de ce dernier ? D’abord, il se dit que bien d’autres devraient être plus sages que lui. Il rendit donc visite aux hommes que l’on considérait comme tels à l’époque : magistrats, politiciens, anciens. Socrate fut déçu de leur trop grande assurance en toutes les choses de la vie. Parce que ces hommes étaient habitent, qu’ils maîtrisaient leur art particulier, ils se pensaient sages en toutes choses. Socrate ne se limita pas à rendre visite à ceux dont la cité clamait la sagesse. Il rendit donc visite aux comédiens, aux artistes, aux artisans, ne laissant pas un homme et son savoir-faire de côté. Quelle ne fut pas sa surprise en constatant que, peu importe ses visites, parce que ces hommes-là étaient doués dans leur art en particulier, ils se croyaient sages en toutes choses à l’instar des prétendus sages de la cité ?

Socrate comprit que les dons naturels ou ceux que l’on exerce tout au long d’une vie aveuglent l’entendement et surtout la perception que ces hommes-là avaient de leur sagesse. Socrate savait quant à lui qu’on ne pouvait trouver de savoirs universels en se basant sur des cas particuliers. Il prôna donc son ignorance en toutes choses, n’étant que philosophe ! Il comprit peut-être le premier, le principe de causalité, sans pour autant l’énoncer avant l’heure. Ainsi, si toute chose dépend de la cause d’une autre, il est virtuellement impossible de faire la genèse de tout ce que l’on prétend savoir. Il faut souvent s’arrêter à ce que nos sens perçoivent. Je prendrai pour exemple la matière. Si nous n’acceptons pas qu’elle puisse être bien différente dans l’infiniment petit que ce que nos sens perçoivent, nous ignorerons à jamais les atomes, les particules et toutes ces sortes de choses !

Socrate ne nous invite donc pas à ignorer ! C’est plutôt une invitation à la prudence intellectuelle, celle qui in fine nous permet de voir au-delà des causes apparentes. À méditer…